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Depuis quelques années, une véritable bulle spéculative se développe autour de L’e-sport, présenté comme la perle de l’entertainment.

On peut ainsi citer le Rachat des Elements.LoL par Schalke 04, la création d’une verticale eSport sur le site de la chaîne de télévision sportive américaine ESPN ou encore l’organisation, le 1er juin dernier, d’une conférence par TF1 sur le thème des jeux vidéos en compétition.

Les investisseurs misent tout sur cette branche dont la croissance est estimée comme exponentielle et comptent beaucoup sur chaque joueur professionnel. Mais on peut se demander si les chiffres réels donnent raison à cette vision idéaliste, et notamment si l’on peut vraiment faire confiance aux audiences mises en avant par les médias, voire s’il est possible d’estimer combien sont les pro gamer.

Des méthodes de comparaison inadaptées pour des chiffres gonflés

Les chiffres présentés dans le secteur de L’e-sport sont pour le moins grandiloquents : 800.000 pratiquants sur les jeux vidéos en compétition en France selon l’un des deux instituts privés américains du secteur, Newzoo ; 27 millions de viewers au total pour la finale des Worlds sur LoL, en 2015 tournoi annuel disputé sur le jeu ordinateur le plus joué au monde, selon la présentation ESPN tenue fin 2015 à la Paris Games Week, soit près du double de la NBA (15 millions) ; dans le même temps sont annoncés 1,5 milliards de spectateurs pour les événements de L’e-sport en 2019 toujours selon la société d’études Newzoo.

De telles annonces sont faites pour impressionner, une tendance qui n’est certes pas nouvelle dans le domaine si particulier de l’e-sport. Ainsi, dans un numéro de novembre 2013, le magazine L’Express affirmait que les finales des Worlds sur League of Legends avaient généré plus d’audience qu’un match France-Ukraine lors de l’Euro 2012.

Mais il y avait un hic dans cette comparaison, laquelle met en parallèle une audience moyenne et une audience cumulée.

En effet, pour les Worlds, on ne considère pas des spectateurs uniques ; en outre, en ce qui concerne les finales des Worlds, est comptabilisé l’ensemble de l’audience d’une compétition, tandis que pour le match de l’Euro 2012 n’est prise en compte que l’audience d’un seul match du groupe.

De même, il n’est certes pas faux d’affirmer que les World Finals sont de loin la compétition de jeu vidéo la plus suivie, mais là encore, on cumule les audiences globales sur internet de tous les matchs de la compétition et on les compare au nombre moyen de téléspectateurs sur un unique match de NBA.

Les données sont donc erronées et on compare deux statistiques différentes.

Les vrais chiffres de l’e-Sport, loin derrière les audiences télévisées

Et si l’on regarde dans le détail, la comparaison se fait au détriment de l’eSport : la finale des World Finals 2014 a été visionnée 3 millions de fois depuis sa mise en ligne, il y a donc deux ans, tandis que le septième match entre Golden State et Oklahoma City, le plus regardé parmi tous les matchs de NBA sur le câble aux États-Unis, a fini par réunir 19,8 millions de téléspectateurs, et ce en dehors des rediffusions et extraits vidéos mis en ligne.

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Selon Nicolas Cerrato, fondateur de la société française Gamoloco, qui suit l’audience des principales plates-formes de diffusion en temps réel, la comparaison entre l’audience du jeu électronique et l’audience du sport traditionnel, est tout bonnement impossible.

Il cite ainsi l’exemple de, Twitch qui, fin 2015, a battu son record historique d’audience avec un pic exceptionnel de 2,1 millions de visiteurs simultanés, alors que l’audience moyenne du Super Bowl est de 420 millions. Il rappelle également que le seul quart de finale de la coupe du monde de football 2014, France-Allemagne, a réuni 35 millions de spectateurs côté allemand, soit 17 fois plus que toutes les compétitions diffusées sur Twitch à son summum.

twitch esport
De même, selon la société d’événementiel Oxent, près de 2,7 millions la société d’événementiel Oxent en 2015 ; selon la même source, en 2016, ce serait 1 millions de spectateurs uniques qui auraient suivi l’édition de l’ESWC consacrée à Call of Duty. En réalité, l’audience simultanée n’a jamais dépassé les 71 000 spectateurs sur la finale, bien loin des sommets annoncés.

Le problème de L’e-sport, l’absence de mesures fiables

Que penser maintenant des 800 000 personnes qui pratiqueraient l’eSport, chiffre d’ailleurs repris par le gouvernement français pour soutenir l’urgence de doter les compétitions électroniques d’un cadre légal ?

Si l’on suit cette affirmation, Le sport en ligne se placerait devant des sports tels que le basket-ball, le judo ou encore l’équitation. Or, il n’existe aucune fédération des jeux vidéos, de sorte que le recensement de chaque joueur professionnel en ligne est particulièrement compliqué, sinon impossible. On ne sait d’ailleurs pas qui est un « pratiquant d’e-sport », ni comment distinguer joueur occasionnel et compétiteur.

Et puis, quels sont les jeux qu’il faut retenir, et avec quels outils identifier et quantifier leurs aficionados ?

D’ailleurs, la société Newzoo reconnaît utiliser un concept particulièrement large, puisqu’elle prend en compte toute personne ayant joué à un jeu vidéo sur PC ou en ligne dans les six derniers mois, ce qui est pour le moins beaucoup trop large et ne permet d’identifier les pro gamer.

 

Un secteur en pleine expansion, mais loin de toute exagération

Sans aucun doute, l’eSport est un secteur en pleine expansion. Les grands événements attirent chaque année de plus en plus de spectateurs et l’audience des WebTV ne cesse de croître, mais on ne peut se fier aux chiffres qui sont avancés.

Au contraire, il semble bien que la bulle eSport est observée par tous les acteurs, qu’il s’agisse des annonceurs, des organisateurs d’événements ou encore des médias, à travers une loupe grossissante.